Lettre à une amie esseulée

Publié le par JEN

 

Nouvelle :   Lettre à une amie esseulée 

 

Très chère amie,

Rassurez-vous, votre cas n'est pas isolé : les hasards de l'existence obligent de nombreuses femmes à se retrouver seules.

Les unes que les années ont rendues sages ou résignées se contentent alors d'agrémenter leur solitude par des activités plaisantes, par les joies de la famille ou par quelques rencontres amoureuses sans conséquences. Les autres, qui croient toujours au grand amour continuent à chercher désespérément le compagnon dont elles rêvent encore, bien que tout concourt à leur montrer qu'il n'a jamais vraiment existé.

Penser, en effet, qu'il y aurait des hommes pétris de qualités, toujours disponibles pour elles, relève de la pure illusion. Les types acceptables sont casés depuis longtemps. Ne restent sur le marché que les "laissés pour compte", les tordus ou les irrécupérables. Il y a enfin la catégorie des divorcés devenus raisonnables mais qui ne voudraient pour rien au monde se mettre de nouveau la corde au cou. Quant aux veufs inconsolables, on ne les trouve qu'au cinéma. Toutes celles qui s'obstinent donc àrechercher le partenaire idéal font la cruelle expérience de voir leurs espérances vaines.

Des solutions élégantes existent mais le vrai problème, c'est que la plupart des femmes n'arrivent pas à imaginer d'autre schéma que celui du couple hétérosexuel normal, uni pour le meilleur et assez souvent pour le pire. Or ce modèle de couple, s'il est nécessaire et suffisant pour fonder une famille et faire des enfants, s'avère plus souvent, dès qu'on n'est plus en âge de procréer, un remède pire que le mal. Il impose, en effet, aux conjoints désirant joindre leurs destinées, une cohabitation qui risque de se révéler pénible en raison des habitudes et des manies acquises depuis de nombreuses années et dont il est impossible de se défaire. Lorsqu'on chasse le naturel, il revient hélas au petit trot, surtout lorsque, se supposant en terrain conquis, on finit par se relâcher un peu trop. Combien sont surprises d'avoir été séduite par un type charmant et de se retrouver remariée à un vieux con ?

Mais alors, me direz-vous, comment faire pour éviter les désagréments de la solitude lorsqu'on est, comme vous une femme encore charmante, si toute quête masculine semble vouée à un échec quasi inéluctable ?

La présence d'un animal domestique semble convenir aux moins exigeantes, Mais la solution la plus raisonnable pour bénéficier d'une compagnie digne de ce nom, serait plutôt à rechercher auprès de vos semblables. Cependant, ce choix exige de vous un effort de réflexion auquel je vais vous aider, pour vous prouver mon amitié.

Sachez d'abord qu'il y a largement plus de femmes disponibles que d'hommes, donc un choix plus ouvert, surtout parmi les innombrables divorcées de tous âges qui ne sont guère tentées de revivre les affres d'un mariage raté. Pour elles comme pour vous, opter pour le choix d'une compagne présente de surcroît des avantages considérables liés aux qualités féminines, si appréciables, conséquences directes de leurs instincts maternels comme : la douceur, la bienveillance, la sensibilité, la capacité à consoler, à soigner les moindres petits bobos.

Une compagnie féminine devrait donc naturellement vous être agréable, d'autant plus que les femmes sont moins à charge que les hommes car elles se débrouillent toutes seules pour cuisiner ou tenir une maison et en assurer l'intendance.

Je ne sais si mes arguments vous ont déjà convaincu... j'imagine encore de votre part quelques réticences dont la dernière, que vous n'osez m'avouer :"Le plaisir érotique peut-il vraiment s'affranchir des hommes ?" Permettez-moi de sourire de votre naïveté. Loin de moi l'idée de jeter le discrédit sur l'agrément que peuvent procurer aux dames certains messieurs, reconnaissons cependant les dures réalités. On constate, en effet, que beaucoup d'hommes s'occupent nettement plus de leur petit plaisir que de celui de leurs partenaires. Négligeant les préliminaires, ils bâclent un peu vite la besogne.

Reconnaissez, dans ces circonstances qu'il faut être fortement conditionnée par son éducation et les "bons usages" pour ignorer que les joies du sexe ne se limitent pas à la copulation et que les caresses, habilement partagées avec une de vos semblables, agrémentées de jolis fantasmes, ont plus de chance de conduire à la jouissance. Rien n'oblige cependant de se limiter à l'amour au féminin et les inconditionnelles de cet organe dont les hommes sont si fiers, pourront toujours trouver, quand elles veulent quelques fantaisies, un amant occasionnel, car en matière de plaisir il ne faut rien écarter. Si le mâle est nécessaire pour procréer, il devient facultatif lorsque, comme vous, on en a passé l'âge d'enfanter et que seule la jouissance importe. Dieu et la nature se contrefichent de la façon dont vous vous faites plaisir. L'œil divin ne traine plus depuis longtemps dans les alcôves et la nature a produit bien d'autres modes de reproduction que celui de papa et maman.

Celles qui, passé un certain âge, rêvent désespérément de soupirants délicats et romantiques qui se consumeraient d'amour pour elles seront toujours de pauvres dupes car la vie est comme la loterie, les gagnantes sont rares et les désillusions innombrables. Pour une qui remporte le gros lot combien tombent sur de vulgaires égoïstes ou de simples goujats, plutôt que sur le prince charmant ?

Peu importe désormais le ou la partenaire pourvu qu'il ou elle apporte la jouissance qu'on espère. Une habile et généreuse coquine vous comblera mieux que la plupart des machos prétentieux qui se croient si indispensables. Encore faut-il, chère amie, oser y goûter et faire preuve d'un minimum de courage pour dépasser les tabous et s'élever au dessus de sa condition et du fatalisme archaïque auquel tant de femmes se soumettent comme des victimes consentantes.

Aussi est-il préférable de ne pas mettre la barre trop haut et de se souvenir que la qualité primordiale d'une personne avec laquelle on aspire à partager son quotidien est d'abord la gentillesse car celle-ci induit : la patience, la tolérance, l'envie de plaire et de partager.

On peut conclure que pour retrouver un bonheur paisible, les femmes esseulées ayant avancé en âge et en jugeote, seraient avisées de rechercher la compagnie de leurs semblables avant celle des hommes.

Voila ma douce amie ce que m'inspire votre situation d'esseulée que je considèrerais comme fort enviable si la solitude n'était pas aussi la rançon de la liberté. Je vous souhaite donc de rencontrer dès que possible cette âme véritablement "sœur" qui apportera à votre existence les bienfaits que vous saurez vous-même lui offrir et partager en retour.

 

Votre ami fidèle

J.N.

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