Approche logique du fait religieux - partie 3

Publié le par JEN

 

4 - REFLEXIONS LOGIQUES

 

 

Education et conditionnement

 

Ce n'est pas un hasard si dans toutes les religions la répétition des dogmes est une constante dans les rituels. Commencer toutes ses prières à l'invocation de Allah et de son unique prophète Mahomet ou tout autre crédo d'un Jésus rédempteur, oblige le croyant à intégrer de manière indélébile des informations obligatoires. Ce mécanisme s'appelle le conditionnement mental. Il consiste à imprimer dans le cerveau malléable des fidèles des connexions neuronales particulières.

 

Une fois celles-ci organisées, elles interviendront pour guider l'activité intellectuelle (ou spirituelle) des sujets. Il s'en suivra un formatage qui engendrera des réactions préétablies d'autant plus aisées que notre cerveau comporte des "neurones miroirs" dont la fonction est l'imitation de notre entourage. Ce sont eux qui sont à la base de l'apprentissage par les enfants de nos codes sociaux, des usages et de la langue.

 

Les religieux ont horreur qu'on leur rappelle les mécanismes auxquels ils sont soumis et les manipulations qu'ils peuvent à leur insu,  subir ou faire subir, alors même qu'ils prétendent jouir d'un libre arbitre. Il est en effet plus glorieux d'avoir l'impression de choisir sa religion, plutôt que de se l'être fait imposée par des mécanismes inconscients que la plupart des fidèles et des prêtres ne connaissent pas, ou dont ils pensent ne pas être victimes ou complices.

 

Ces mécanismes ne sont d'ailleurs pas le résultat d'un cynisme particulier, ils se sont simplement imposés d'eux-mêmes intuitivement, depuis la nuit des temps pour les effets qu'ils produisent : l'attachement irréversible du croyant à sa foi.

 

L'étude précise des rituels est, à cet égard riche d'enseignement. Les répétitions incessantes du Coran (que le croyant ne remarmque même plus, à la manière des publicités subliminales), enfonce chaque fois un peu plus dans son inconscient les obligations et les dogmes. Cela fonctionne tout autant avec les "Je vous salue Marie" et les "Notre Père".

 

On notera qu'il y a une différence considérable entre l'éducation, qui consiste à apporter  à quelqu'un un ensemble de connaissances aussi large que possible avec la faculté de les analyser, et le conditionnement qui consiste à imprimer des réactions déterminées ans un cerveau, et qui s'apparente exactement à un dressage.

 

Les religieux n'aiment pas qu'on leur dévoile les ficelles de leur art, tout comme les illusionnistes qui répugnent à révéler les leurs. Pour autant la connaissance n'a pas de frontière et la réalité, fut-elle psychique n'échappe pas à ses investigations.

 

La grande problématique des religieux au 21 è siècle sera d'admettre où doit s'arrêter l'apprentissage et où commence le conditionnement. Le premier respecte la liberté de penser et glorifie nos semblables. Le second est l'aveu que la fin exige des moyens peu honorables, même s'ils visent à la gloire de Dieu.

 

 

La "parole" de Dieu

 

Si l'on en croît ceux qui, toujours et partout, parlent si volontiers en son nom, Dieu serait un bien grand bavard. Ceux qui, citant la bible, le coran ou tout autre texte sacré prétendent citer rien de moins que sa "parole" ou pire, s'arrogent le droit de parler à sa place sont, soit de grands naïfs, s'ils croient la chose possible ; soit des imposteurs si leur objectif est de subjuguer les crédules qui les écoutent.

 

Dans les mosquées, les églises et les temples la "parole" divine est invoquée sans vergogne car nous devons objectivement reconnaître que le divin créateur n'a jamais pris la peine d'accorder à l'homo sapiens une attention plus particulière qu'à n'importe quelle autre espèce de sa création. Que les hommes s'adressent volontiers à Dieu n'implique pas qu'il daigne leur répondre, d'où la boutade : "Si tu parles à Dieu c'est que tu es croyant, s'il te répond, c'est que tu es schizophrène."

 

Ceux qui ont cru "l'entendre" sont suspectes, soit parce qu'ils ont donné des marques de leur confusion mentale, soit plus souvent, parce qu'il s'agissait pour eux d'une astucieuse stratégie de communication ou du désir de manipuler leurs semblables. Ceci vaut, pour tous les prophètes, y compris les plus reconnus comme Moïse, Jésus ou Mahomet. Aucun des témoignages qu'ils rapportent ne résistent à un examen logique et, coïncidence fâcheuse : depuis que les hommes sont devenus plus exigeants en matière de preuves irréfutables, il est bizarre que Dieu n'ait plus osé s'adresser à quiconque sérieusement pour adresser une message un peu consistant.

 

Le problème c'est que Dieu, à une certaines époques, a parfois trop "parlé" à certains de ses prophètes, en particulier à Mahomet. Le message, qu'il est sensé avoir transcrit, aurait dû être totalement universel, intemporel, clair et transcendant. Or à notre époque, il devenu paradoxalement exigu, régional, voir tribal et domestique. Ceci nous semble aujourd'hui dramatiquement réducteur, de la part d'un Dieu omnipotent, régnant sur les espaces infinis de l'univers, enjeux de forces incommensurables et de phénomènes titanesques qui embrasent notre cosmos et que notre entendement peine à seulement imaginer. Pour quiconque a un minimum d’esprit critique, ce Dieu du coran si médiocrement humain, vindicatif et trivial se décrédibilise.

 

Les observateurs les plus réalistes considèrent que la "parole", voire la "main de Dieu" si souvent invoquées, sont des attributs exagérément humains, même si on ne les utilise plus que comme de simples images. Le seul avantage de ces termes est qu'ils marquent inconsciemment les esprits simples des fidèles : ce qui vient de Dieu, ne peut être que vrai... (voir le phénomène d'auto suggestion de la sacralisation).

 

D'autre part, donner ainsi à Dieu une dimension anthropomorphique permet au croyant d'approcher, non pas le concept abstrait que l'entité divine mériterait d'évoquer en raison de son infinie complexité, mais plutôt celui d’une sorte d’humanoïde qui dicte, par ses intermédiaires autoproclamés, des envies, des exigences, et qui, comme nous tous, peut se mettre en colère, se venger, être jaloux ou au contraire se montrer bienveillant et plein de mansuétude. La proximité à laquelle l'humain peut prétendre avec un Dieu (pourtant si inatteignable) est si surprenante que le commun des mortels n'hésite pas, dans les prières à s'adresser directement à lui comme à vieux camarade à qui on peut demander un petit conseil ou marchander un petit service. Cela devient même suspecte quand l'infiniment grand devient flatté ou mis à contribution pour des broutilles trop domestiques et humaines comme l'adultère, le vol, la pudeur, le commerce, l'organisation familiale ou tribale, ce qu'il faut ou non manger qui, à l'évidence ne devraient pas être de son ressort, mais qui concerne évidemment ceux qui parlent en son nom, mais pour leur propre compte.

 

Il est, en effet, incompréhensible que des gens sérieux puissent croire que l'Etre divin soit sensible à la flagornerie, ou à toutes ces petites futilités faites en son nom pour lui plaire ou se rappeler à son bon souvenir : les cierges, l'encens, l'eau bénite, les contritions, jeûnes ou autres fantaisies de ce genre, à l'instar des prières que les uns font les bras en croix, les fesses en l'air ou en position du lotus.

 

Là où Mahomet avait raison, c'était de prétendre  : "Allah est grand" ! Pour être plus exacte, il aurait dû dire : il est même si incommensurable qu'il échappe à notre compréhension ! Ce que nous vérifions quotidiennement avec nos télescopes géants braqués désespérément sur les milliards de galaxies de cet univers. Nous venons, en effet, d'y faire une découverte déconcertante : il existe une matière invisible qui ne se révèle que par ses qualités antigravitationnelles mais qui se révèle au moins cinq fois plus présente que celle que nous connaissons. Si cette "matière noire" est une plaisanterie divine, elle est de taille et ne va rien faire pour arranger ses rapports avec les théologiens, qui avaient déjà eu tant de mal à digérer la révolution copernicienne.

 

Celle qui s'annonce devrait être encore plus déconcertante, car elle constitue un changement d'échelle radical de la place éventuelle du divin ici bas... encore que ce simple terme, ici bas, dans une vision cosmique n'ait plus tellement de sens. Ce qui nous oblige a encore plus de prudence, à chaque fois que quelqu'un annonce désormais "la parole" d'un Dieu dont on constate qu'il est devenu singulièrement muet. Le sachant, il y a désormais tout lieu d'être méfiant et de redouter la naïveté ou la supercherie.

 

 

Le recyclage de l’impossible vers le symbolique et l’allégorique

 

Les textes sacrés de la plupart des religions ont été élaborés à une époque lointaine où la connaissance du monde était fort éloignée de celle dont nous jouissons de nos jours. Le recours à la magie, au surnaturel, au légendaire ou au miracle était fréquent. Cependant au fur et à mesure du progrès des connaissances, un certain nombre d’affirmations, souvent péremptoires des textes sacrés se sont révélées inexactes ou exagérément invraisemblables. Bien entendu, ceux qui ont eu l’audace de s’attaquer aux dogmes ont toujours été, sur l'instant, lourdement châtiés comme de dangereux blasphémateurs par les puissances religieuses. Démontrer que le soleil ne tourne pas autour de la terre, ruine la thèse par laquelle nous serions au centre du monde. Expliquer que Dieu n’a pas créé l’univers en 6 jours, il y a quelques milliers d'années, remet totalement en cause la genèse. Prétendre que les espèces évoluent par mutations et sélection naturelle, ruine la possibilité d’une création achevée. Expliquer que le vol stationnaire des anges défie les lois de la mécanique et de la pesanteur, rend cette engeance improbable. Expliquer que nulle part on n’a trouvé le siège de l’âme immatérielle chère à Platon fait douter sérieusement de son existence…

 

Malgré toutes ces évidences, on trouvera toujours des « docteurs de la foi » pour soutenir des causes impossibles au plan de la logique et du simple bon sens, tout en faisant preuve d’une érudition aussi admirable que leur éloquence. Cependant, à partir d’un certain niveau d’aveuglement, ils ne sont plus désormais regardés comme des gens raisonnables, mais comme des idiots savants ou des monomaniaques de la foi. Les mêmes nous diront sérieusement dans leur rhétorique pour clore le débat, que rien n’est impossible à Dieu car : « Dieu fait ce qu’il veut », ou extirperont un verset où « il est écrit que… » pour justifier n’importe quoi par une prétendue « parole divine ».

 

Fort heureusement pour les textes sacrés, les anomalies qu’ils contiennent passent plutôt inaperçues pour deux raisons. D'abord parce que le sacré inhibe l'esprit critique. Ensuite parce que les absurdités ne sont révélées que progressivement (les chrétiens ont découvert depuis longtemps ce genre de virages en douceur). De plus, et c’est d’une grande habilité intellectuelle : ce qui devient impossible pour tout contemporain raisonnable, migre habilement vers un état « symbolique ». Le paradis, lui-même, auquel tout le monde croyait « dur comme fer », devient symbolique. Satan, qui a très sérieusement terrorisé des générations entières de croyants pendant des siècles, devient une simple allégorie de la punition divine. On évite d’ailleurs d’en trop parler car, si diable il y a, il ne peut qu’avoir été conçu par la volonté Dieu, lequel devient aussi diable. Cette logique discrédite le paradis autant que l’enfer, et ses serviteurs anges et démons et leur mythologie, qui apparaissent comme issus de vieux décors de théâtre, ou des papyrus des anciens égyptiens qui donnaient aux candidats à l’ultime voyage, le mode d’emploi pour l’au-delà dans leur fameux « Livre des morts ».

 

Tant que les religions s’adressent à des populations intellectuellement peu évoluées (ceci inclut le peuple, mais aussi les élites conservatrices dépourvues d'esprit critique), les dogmes s’appliquent, car les gens n’ont pas envie ni besoin d’être curieux. Le mécanisme de la sacralisation et les sanctions qu'il induit, fonctionne assez pour inhiber leurs velléités de remises en cause. La religion peut alors continuer à jouer son rôle fondamental et fort bénéfique « d’opium du peuple ».

 

En passant du statut de vérité assez incontestable pour avoir envoyé tant de nos semblables au bûcher, à celui d’histoires symboliques pour le catéchisme, les textes sacrés, fondement des croyances et des dogmes, peuvent cependant être décrédibilisés par les croyants devenus perspicaces. Or quand le doute s’installe, l’esprit critique s’éveille.

 

 

Quand le doute s’installe, l’esprit critique s’éveille

 

On peut en donner un exemple simple à propos de l’âme, sujet prodigieusement intéressant car il est à la base de toutes les religions qui utilisent abondamment ce concept sous des formes et des noms divers. Il véhicule l’intuition que quelque chose d’abstrait et de sacré meut et conditionne l’individu, ses pensées, sentiments et la conscience de soi.

 

Cette entité semble très réelle dans ses effets, puisqu’on bouge, pense, ressent ou croit. Elle est de plus très pratique pour expliquer la cause qui nous « anime ». En conséquence, puisqu’il y a des effets, il est normal qu’il y ait une cause qui s’appelle « âme ». Cette notion satisfait pleinement le commun des mortels car elle lui permet, comme pour toute croyance, de plaquer sur son ignorance une explication plausible. Mais… d’où vient cette âme, comment est-elle logée en nous, quelle est sa nature, son mode opératoire, que devient-elle à notre décès ?

 

Autre problème : l'espèce humaine serait-elle la seule à posséder une âme ? Cette prétention repose sur l'illusion que les humains seraient la seule espèce crée à "l'image de Dieu". Ce qui est doublement absurde, à moins de croire à Adam et Eve et d'ignorer les découvertes de la paléontologie. Nous savons que l'homo sapiens sapiens est l'aboutissement d'une longue lignée de primates, elle-même précédée d'une encore plus longue variété de modestes mammifères qui, à l'époque des dinosaures avait plutôt l'allure d'une sorte de petit rat. Or il est difficilement imaginable que l'Eternel, qui par définition, devait préexister à cette évolution se soit un beau jour préoccupé de doter les hominidés d'une âme. Et si tel est le cas pourquoi en refuser une à nos cousins les autres primates, et à feu l'homme de Neandertal et pourquoi pas à tout autre animal ou objet de la nature, comme le font les animistes ?

 

Finalement, tout laisse à penser que, si elle existe, l'âme est matérielle car, cherchez bien : rien ne peut nous laisser postuler qu’elle soit immatérielle. Mieux, les neurosciences démontrent que tout ce qui caractérise intimement un individu : ses émotions, sa capacité sensorielle ou d’empathie, sa faculté de mémoriser, ses intuitions et jusqu’à ses croyances et ses lubies, est intégralement régi par le cerveau. Si l’humain a une âme qui serait son principe vital, tout démontre clairement qu’elle a son siège dans le cerveau et le cortex préfrontal, qui constitue le privilège de notre espèce. Or, sans cerveau (matériel), que devient l’âme ?

 

Si l’âme est matérielle, elle donc est périssable et ne peut nous survivre en aucune manière (à moins de savoir conserver, comme dans les films de science fiction, un cerveau tout seul en état de marche dans un bocal).

 

Si donc elle est périssable, cela signifie qu’on ne peut survivre à sa mort. La vie future, qu’elle soit au paradis ou en enfer (sans parler de purgatoire ou de limbes, passés de mode) serait hélas, une vaine espérance. D'autant que, malgré qu'on les ait si désespérément cherché, on n'a pas encore trouvé ni l'enfer, ni le paradis. Dans ces conditions que deviennent les sanctions ou de récompenses promises dans l'au-delà et les promesses de vie éternelle si chèrement promises par les prêtres ? Et même : le bien et le mal, sources d'une morale strictement religieuse ?

 

Cette démarche incrédule part d'un questionnement rigoureux et sans complaisance. Elle est celle des philosophes qui appliquent une pensée logique non inhibée. La plupart n'osaient pas s'exprimer à propos des religions, ou se contentaient d'en faire un historique bienveillant, sans oser pointer les véritables questions. C'est aussi celle naturelle chez les athées qui occupent une place nouvelle dans une société qui recherche une nouvelle spiritualité où l’humain détrône les dieux.

 

 

Religion et spiritualité

 

Le terme « spiritualité » est ambigu car il peut revêtir des significations très diverses. Il concerne très exactement toute activité mentale : réflexion, prière, méditation, contemplation, extase, recherche de connaissance, autosuggestion, ou simplement rêverie. On notera que ces activités et états psychiques sont fort différents et qu’il est fréquent que l’on passe de l’un à l’autre au cours des phases successives d’une activité spirituelle. L’esprit vagabonde souvent d’une pensée à l’autre et il faut une grande motivation et une certaine maîtrise pour en régler le cours.

Ces états correspondent bien tous à une activité intellectuelle. Notre connaissance du fonctionnement du cerveau humain commence à nous permettre de comprendre assez bien comment ils sont produits. Chacun d’entre nous, pour les avoir personnellement expérimenté, peut cependant en avoir une idée assez précise. Il est par contre plus délicat de savoir où commencent les comportements paroxysmiques, déviants ou pathologiques.

 

Les limites entre une activité spirituelle « normale » et la folie, le délire, la superstition ou l’obsession sont parfois vagues et fluctuantes, dans la vie courante et plus encore en ce qui concerne les comportements mystiques. Ces limites peuvent varier en fonction de l’état psychique du moment (dépression, peur, mauvaise conscience, euphorie), lui-même tributaire de dérèglements endocriniens ou de l’influence de substances diverses comme les neuroleptiques ou l’alcool. Dans l’univers mental… rien n’est simple.

 

On associe cependant souvent au terme spiritualité, une connotation positive de bien-être, de gratification personnelle, de réconfort, d’enthousiasme ou de joie. Beaucoup de fidèles ou de religieux utilisent d’ailleurs largement ces termes pour décrire les effets jubilatoires de leurs pratiques.

 

Nous ne cautionnerons pas l’abus de langage concernant la « spiritualité divine », du genre : « Le Saint-Esprit pénètre par sa grâce l’âme des croyants en leur insufflant la foi.» Ceci sous-entendrait qu’il n’y a de spiritualité que religieuse, ou que le principe de la foi garantirait la spiritualité. Ce lieu commun est discutable, car la foi résulte d’une auto suggestion apportant au croyant la certitude que ce à quoi il croit, possède une réalité incontestable. La foi religieuse procède plus du conditionnement psychique et de l’auto suggestion que de la simple spiritualité. Un traumatisme crânien provocant la lésion de la zone du cerveau où siège la foi fait disparaître celle-ci (tout autant que la parole ou la vue) sans même que Dieu s'en mêle.

 

Dans le monde « profane », les individus peuvent, connaître les mêmes sensations troublantes que le croyant, face à : la beauté, l’altruisme, l’amour, la compassion, la recherche de la connaissance, ou à tout autre situation dans laquelle est impliquée une quelconque activité intellectuelle, dont la moindre peut être une simple émotion.

 

On peut conclure sur ce point en soulignant que la spiritualité, qui résulte de processus mentaux d’une infinie richesse, est avec la conscience de soi, la caractéristique qui distingue le mieux les humains des autres espèces animales. Elle peut tout aussi bien être profane que religieuse.

 

 

Considérations sur la genèse

 

Toutes les religions posent comme principe primordial que l'humain constitue une espèce à part, au somment de la création, qui aurait avec son créateur, des accointances particulières. Certains, dans l'ignorance de l'infime place que nos semblables occupent dans l'univers, ont même cru que Dieu avait pu faire l'homme à son image.

 

Pendant des millénaires et jusqu'aux récentes découvertes de la paléontologie et des implications de l'ADN, on a pu conserver, en toute innocence, une telle illusion. Ce temps est révolu depuis que nous avons réussi à reconstituer la lignée des primates du groupe homo à laquelle nous appartenons. De l'homo habilis en passant par l'homo ergaster, puis l'homo erectus pour aboutir à l'homo sapiens que nous sommes, seul survivant des autres hominidés plus malchanceux que sont : l'homme de Neandertal, de Denisova ou de Flores.

 

On peut désormais retracer comment notre espèce a évolué depuis 400 000 ans et la manière dont homo sapiens sapiens a progressivement conquis le monde. Nous savons aussi que nous différons génétiquement très peu de nos proches cousins les chimpanzés ou les bonobos avec qui nous partageons 98,7 % de notre génome.

 

Ces découvertes incontestables devraient nous rendre plus modestes en ce qui concerne notre origine, surtout si on remonte encore plus loin dans notre évolution, lorsque nous n'étions que des sortes de rats qui ont si bien profité de la niche écologique laissée par les dinosaures il y a environ 65 millions d'années, et qui ont par la suite grimpé dans les arbres pour augmenter leurs chances de survie.

 

Cette genèse est moins idyllique que celles imaginées par les religions, et en particulier celle d'Adam et Eve. Elle présente le désavantage de décevoir les bons croyants auxquels cette jolie légende convenait si bien qu'ils n'arrivent pas à s'en défaire. Les "créationnistes", comme ils  s'appellent, font des efforts inouïs pour arriver à rafistoler le mythe, mais ils n'arrivent plus qu'à être ridicules car les faits scientifiquement prouvés sont incontournables. Ceux qui avaient pensé pouvoir justifier de prétentions similaires avec le "dessein intelligent" en sont aussi pour leurs frais. Ce qui ne les empêche pas d'être virulents et de continuer à clamer que l'humain reste la finalité de la création divine et non une simple espèce de primates qui a développé des dispositions cognitives particulières en développant leur cortex frontal, ce qui est déjà tout à son honneur.

 

Le vrai problème n'est pas la remise ne cause de la légende, celle-ci en faut bien d'autres. C'est surtout celui des conséquences considérables qu'elle implique et dont la plupart des croyants ne sont pas encore disposés à prendre la mesure :

 

- S'il n'y a plus Adam et Eve, que devient le paradis qui les abritait ?

- Que devient la faute d'Eve avec ses invraisemblables conséquences sur la nature injustement pernicieuse des femmes, sinon une grossière et abusive erreur ?

- Comment considérer le prétendu péché de chair ou cet odieuse calamité d'enfanter dans la douleur comme punition à la désobéissance divine ou de devoir travailler à la sueur de son  front ?

 

Ces évidences montrent que lorsqu'on se rend compte de la faillite du récit biblique, les conséquences sont inévitables. Elles jettent, de plus, la suspicion sur tous les personnages qui ont par la suite justifié leur discours en se fondant sur la tragique descendance d'Adam et Eve, ce qui les rend désormais suspecte.

 

Les théologiens ont raison d'être furieux. La disparition d'Adam et Eve ainsi que du paradis terrestre est une sacrée pierre dans leur jardin ! Même si pour faire bonne figure, ils prétendent désormais, avec une pirouette dont ils ont le secret, qu'ils ont toujours su qu'il s'agissait-là d'une légende. Mille preuves montrent pourtant qu'ils y croyaient aveuglément. Pire, malgré l'énormité de la chose, beaucoup continuent à y croire... sans y croire, ne serait-ce qu'en omettant de considérer les conséquences de leur crédulité, parce que, envers et contre toute raison, leur croyance domine toujours leur raison.

 

Les gens de bon sens savent désormais que le "créationnisme" ou le "dessin intelligent", malgré leurs dénominations ronflantes, ne sont que des étiquettes posées sur beaucoup d'ignorance. Elles correspondent cependant à cette manie qu'ont nos semblables de se raconter des histoires et des mythes auxquels ils finissent par croire. Elle montre la difficulté qu'a le commun des mortels d'actualiser ses croyances, même quand celles-ci finissent par trop se heurter à la connaissance la plus sure et la mieux partagée par les hommes de science .

 

 

Le licite et l’illicite

 

Cette question se pose rarement dans le monde profane car le bien et le mal sont naturellement définis par le seul respect du "bien commun". Par contre pour les religieux et le théologien cataloguer le licite et l'illicite est d’une importance primordiale. C’est aussi flagrant dans le Coran que ce le fut pendant l’inquisition catholique. La vie quotidienne des fidèles est, en effet, balisée par une multitude de règles plus ou moins formelles dont on ne sait plus exactement si elles sont simplement culturelles ou vraiment religieuses. Par exemple : se couvrir la tête (voile, kipa, burka, turban…), ne pas travailler (le vendredi, samedi, ou dimanche), ne pas manger certaines viandes, se laisser ou non pousser la barbe ou les cheveux…

 

Certaines de ces règles sont devenues absurdes ou ridicules (par exemple, vestimentaires : juifs orthodoxes encore habillés comme en Pologne, il y a deux siècles, burkas noires dans des pays où il fait horriblement chaud, etc.). Cependant elles ne peuvent être abrogées en raison des fondamentalistes qui veillent jalousement, même si elles ne constituent plus un interdit pour le commun des fidèles (chacun peut désormais par exemple manger du porc dans des conditions sanitaires excellentes, inconnues il y a quelques siècles, lorsque les interdits ont été édictés. Ceux, nombreux qui l’ont consommé sans le savoir, trouvent cette viande excellente et devraient s’apercevoir qu'ils ne sont aucunement soumis à la colère du bon Dieu).

 

Les limites du licite et de l’illicite deviennent d’autant plus fluctuantes que les confessions cohabitent de plus en plus, et que les croyants d’origines diverses doivent respecter les usages des pays qui les accueillent. Comment faire shabbat lorsqu’on travaille en équipes postées ou aux quatre coins du monde. Comment exécuter ses cinq prières par jour, au bureau sans se couvrir de ridicule ou sans danger lorsqu’on conduit un avion ou un autobus ?

 

La question du licite et de l’illicite se pose également à l’encontre des profanes ou des autres confessions. Certaines religions sont encore intolérantes au motif qu’elles s’estiment détenir une vérité universelle. Cette réaction est d’autant plus forte qu’elles sont l'objet de lois et de rituels coercitifs. L’obéissance dogmatique et le formatage intellectuel sont en effet, des nécessités vitales pour dissuader les « ennemis de l’intérieur ». Se n’est pas un hasard si l’apostat (fait d’abandonner sa religion pour une autre) est l’un des plus grands crimes, tout comme le fait d’embrasser l’athéisme.

 

 

La concurrence obligatoire

 

Par nature les religions sont exclusives. Leur raison d'être est au moins de se maintenir et au mieux de prospérer sur le terrain des concurrentes.

 

Les religions dominantes craignent, plus que tout, la fuite de leurs ouailles vers des chapelles plus séduisantes. Les luttes entre des confessions voisines que ne séparent que quelques légers points de doctrine (qui nous semblent aujourd’hui incompréhensibles) n’en ont pas moins provoqué des conflits d’une sauvagerie absolue. Combien de bûchers et de massacres ont été perpétrés en invoquant l’hérésie ?

 

À mesure que recule la sauvagerie dans les sociétés civiles, se produit une heureuse moralisation des religions qui ne peuvent plus se laisser aller à des invectives trop injurieuses, à des anathèmes par trop démonstratifs à l’encontre des concurrents ou des sectes dissidentes (chaque religion établie a d’ailleurs commencé par être une secte : aucune n’est sortie toute armée de la cuisse de Jupiter). Les grands chefs religieux commencent même à se rencontrer avec des sourires de façade, ce qui donne l’illusion de la reconnaissance mutuelle.

 

La raison principale de ces rapprochements plus médiatisés qu’effectifs, est que le respect minimum, propre à la paix civile, commence à s’imposer au monde religieux.

 

Les lois laïques ayant tendance à supplanter les lois religieuses (pas encore partout…) les premières deviennent nécessaires et suffisantes pour baliser les contours d’une morale acceptable par tous, rendant moins cruelles et plus utiles les traditionnelles guerres entre les diverses confessions.

 

 

5 - LES RELIGIONS DANS LA SOCIETE

 

Après avoir caractérisé le fait religieux et souligné quelques caractéristiques singulières et peu logiques, il reste à découvrir l'utilité des religions dans la société.

 

La plupart des gens s'accordent désormais à reconnaître que l'aspiration à vivre libre et heureux constitue le but vers lequel devraient tendre toute société. Une religion sera donc d'autant plus utile à ses sujets qu'elle contribuera à assurer leur bonheur. Si c'est bien le cas du Bouddhisme ou de la franc-maçonnerie, ce n'est guère celui des religions qui martyrisent sans vergogne leurs fidèles, sous prétexte de faire leur salut. Or on constate des disparités inouïes dans la manière dont celles-ci traitent les populations, en terme de liberté, de justice, d'éducation, de tolérance et surtout de morale, fondement de la vie heureuse en communauté.

 

 

suite partie 4

 

 

Publié dans Philosophie pratique

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article