Dieu s’ennuyait

Publié le par JEN

Dieu s’ennuyait


Un jour que Dieu s’ennuyait tout seul dans son coin, il se mit à converser avec lui-même. Admirant une fois de plus la beauté infinie des milliards de galaxies qui s’enroulent voluptueusement dans le vide sidéral, il se congratula d’avoir réussi un monde si parfait.

Soudain, il remarqua, perdue aux tréfonds de la Voie lactée, une petite planète bleue tournant autour d’une étoile ordinaire, égarée dans l’univers. Il se souvint alors, qu’il avait permis que s’y crée la vie, il y a quelques milliards d’années. Curieux de voir ce que cela avait produit, il y regarda de plus près. Quelle ne fut pas sa surprise de constater qu’une sorte de primate avait colonisé toute la surface de cette modeste planète, pillant ses ressources, polluant ses eaux, ses terres et son air. Dieu examina alors avec attention ces singes nus : il les trouva belliqueux, dévastateurs et cruels envers la nature autant qu’envers eux-mêmes. Mais le comble de son étonnement fut de s’apercevoir que ces animaux appelés humains avaient fini par se croire si différents des autres animaux de la création qu’ils s’imaginaient avoir été créés à l’image de Dieu pour dominer le monde ! Comment, se dit alors celui-ci, ces misérables bipèdes ont-ils pu se mettre en tête une idée aussi saugrenue ? À l’évidence, ces mammifères ont tellement plus en commun avec les vaches et les lapins qu’avec moi, intemporel et immatériel, d’autant que leur ignorance à mon propos est absolue.

En approchant son oreille céleste, il eut une nouvelle surprise. Il s’aperçut que des hommes avaient pris, sans vergogne, la folle liberté d’oser parler en son nom : « Dieu veut ceci, exige cela… » Il entendit même détailler longuement et avec le plus grand sérieux la soi-disant « parole de Dieu » par des illuminés et des imposteurs appelés prophètes ! Il fut un peu contrarié sur le moment, en raison du nombre considérable de bêtises proférées, mais comme la foule écoutait ces sornettes avec ravissement, il en déduit que les plus crédules devaient y trouver quelque réconfort. Il vit aussi que, sans crainte du ridicule, certains le priaient les fesses en l’air, d’autres en bredouillant, en branlant du chef, ou en faisant avec les bras des mouvements d’allure cruciforme.

C’est alors que Dieu découvrit une invention d’une habileté surprenante, celle du paradis et de l’enfer : l’un étant la carotte sacrée qui donne espoir, et l’autre une menace qui fait peur et qui incite à l’obéissance. Dieu chercha aussitôt où pouvait bien être ce paradis tellement promis, mais dans le ciel, il ne trouva que vapeur d’eau. Il eut heureusement plus de chance avec l’enfer, car il vit un type qui criait : « Allah est grand ! Allah est grand ! » et qui tout joyeux se fit exploser, tuant avec lui trois cents personnes. Voyant ce carnage, Dieu comprit que l’enfer était sur terre. Il en fut même complètement convaincu quand il observa combien certains humains prennent soin d’entretenir le malheur un peu partout sous la forme de guerres, de massacres, de famines, d’humiliations ou d’abêtissement. Drôles d’animaux savants que ces humains, se dit Dieu en voyant l’hasardeuse évolution du vivant avait généré toute seule en seulement quelques milliards d’années, sans même qu’il ait eu à s’en mêler.

Bientôt, retournant à son indifférence cosmique et aux réjouissants silences des espaces infinis, il abandonna alors à son cruel sort la gentille planète bleue perdue dans le vide sidéral, et continua de vaquer à ses divines occupations.

J.N.

Publié dans Philosophie pratique

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<br /> Super, c'est sûrement vrai en plus!!<br /> <br /> <br />
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